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Les armées du monde
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Les mémoires d'Ossian Arthur Seipel
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Chapitre 5
La marche
Le camp central était le dernier à partir.
Alors qu’on passait à hauteur du camp nord,
on pouvait voir quelques baraquements en
feu. Il était surprenant qu’il n’y en ait
pas plus. |
|
Carte
d'identité délivrée par les allemands au 2nd Lt Ossian
Arthur Seipel - Photo Lynn Dobyanski |
Nous avions de la chance d’être les derniers à
partir car les milliers de pieds devant nous avaient
bien tassé la neige et cela facilitait les choses.
Il faisait froid, pas loin de zéro (zéro degré
fahrenheit = -18 degrés Celsius). Nous avons marché
pendant environ une heure et demie puis nous nous
sommes reposés pendant 10 minutes puis nous avons
repris la marche. De nombreux réfugiés fuyant les
russes nous suivaient à peu de distance et
profitaient de la neige compactée. C’était de
pauvres gens essayant d’emmener tout ce qu’ils
pouvaient. Certains avaient des voitures
hippomobiles chargées de meubles. De jeunes enfants
étaient également montés sur ces charrettes. Puis
ils ont obliqué plein ouest alors que nous
continuions dans une direction sud-ouest.
Nous avons croisé de nombreux soldats allemands qui
prenaient des positions défensives le long de la
route. Ils étaient habillés avec des tenues de
camouflages couleur neige et étaient armés de
bazooka anti tank et de mitrailleuses. Certains
étaient de jeunes adolescents et d’autres avaient
plus de soixante ans. Les allemands raclaient le
fond de leur réserve en hommes. Nous pensions qu’il
y avait une petite chance que nous soyons doublés
par les russes et cela nous remontait un peu le
moral. Le simple fait d’être sorti de l’enceinte du
camp nous rendait heureux mais avant midi, nous
réalisions que notre existence dépendait du caprice
des allemands.
Popeye, le sergent borgne et le Colonel Spivey
s’efforçaient d’empêcher les hommes de s’allonger
durant nos haltes. Il est vite devenu évident que
ceux qui restaient en mouvement se portaient mieux
que ceux qui s’allongeaient. Ceux qui s’allongeaient
s’engourdissaient et avaient besoin de l’aide de
leurs camarades pour repartir.
Le froid continuait et il a continué à neiger
jusqu'à ce que nous nous arrêtions à Halbe, une
localité d’environ 40 000 habitants. Nous sommes
restés là en attendant que Popeye et le major
allemand nous trouvent une place dans une grande
église où nous pouvions être à l’abri du vent.
L’église était chauffée et nous avions donc de la
chance. Seulement 900 hommes ont pu se tasser dans
l’église. Le général Vanaman s’est allongé sur
l’autel et nous nous sommes tassés dans le reste de
l’église. Il n’y avait pas assez de place pour
s’allonger mais aussi longtemps que nous avions
chaud, nous pouvions dormir assis. Environ 1200
hommes qui n’avaient pas pu prendre place dans
l’église ont finalement pu s’installer dans une
école paroissiale à côté de l’église. Je crois
qu’ils étaient mieux lotis que nous dans l’église.
Au moins ils pouvaient s’allonger.
Le lendemain matin, les gardes nous ont fait sortir
et après une laborieuse tentative d’appel, nous
reprenions la marche. Nous avons alors découvert que
les furets et les gardes dont nous nous moquions à
Sagan pouvaient parler anglais aussi bien si ce
n’est mieux que la plupart d’entre nous. L’un d'eux avait
vécu à Chicago et avait été à la Northwestern
University jusqu’à ce que l’Allemagne envahisse la
Pologne. Un autre avait étudié à Oxford en
Angleterre jusqu’à ce qu’il soit rappelé à cause de
la guerre.
Il faisait encore un froid glacial et le vent
continuait à souffler. Heureusement il ne neigeait
plus. Nous avons continué au rythme de une ou deux
heures de marche alternée de haltes de 10 minutes
jusqu’à 2 heures de l’après-midi et nous nous sommes
alors arrêter à la lisière d’une forêt dense pour
notre déjeuner. Nous sommes chauffés en brulant des
branchettes d’arbres. A la tombée de la nuit, nous
avons atteint l’endroit où nous devions passer la
nuit. C’était une ferme gigantesque gérée par un
conte allemand et sur laquelle travaillaient
quelques centaines de travailleurs polonais
asservis. Nous pouvions rester dans 3 grandes
granges remplies de pailles. Cela tombait sous le
sens que nous ne devions pas fumer.
Certains kriegies savaient parler polonais et ont pu
acheter des pommes de terre auprès des travailleurs
polonais. Huit pommes de terre permettaient de faire
la fête. Tom Ledgerwood et moi nous nous sommes
occupés du feu pendant que Ted Snyder faisait
griller des saucisses et des pommes de terre.
Quelqu’un d’autre a pu échanger quelques barres de
chocolat contre des œufs et Ted en a fait des œufs
brouillés. C’était peu de chose mais c’était le
meilleur repas que nous avions eu depuis longtemps.
Nous n’avons pas eu de problème pour dormir. Lorsque
vous êtes enroulé dans votre couverture et plongé
profondément dans la paille, vous avez presque
chaud. Certains ont retiré leurs chaussures et le
matin, elles étaient gelées et il était très
difficile de les remettre. Le Colonel Spivey a pu
convaincre Popeye de nous laisser rester ici sous
bonne garde une journée de plus pendant que ses
hommes iraient repérer un abri pour la nuit
suivante. Nous avons passé la journée à nous reposer
et faire sécher nos habits.
Ils nous ont réveillés à l’aube le jour suivant, le
quatrième jour de marche, et nous nous sommes mis en
marche sans le café qu’ils nous avaient promis. Il
faisait terriblement froid et le vent en plein
visage nous faisait larmoyer. Nous dirigions
maintenant en direction du nord-ouest. Tout le monde
semblait déprimé au fur et à mesure que la matinée
avançait. Certains gars qui portaient de lourdes
charges ne pouvaient plus avancer et étaient menacés
d’être exécuté sur le champ. Il va sans dire qu’ils
se sont débarrassé de certains de leurs paquets et
ont continué à marcher. Dans la soirée nous
trainions des pieds. La plupart d’entre nous étions
dans un état second. Nous ne parlions pas et
mettions simplement un pied devant l’autre dans les
pas de celui qui nous précédait. Il est possible
qu’il nous soit arrivé de dormir debout. Je me
souviens être entré en collision avec Knox qui
marchait devant moi ; il s’était arrêté et moi non.
A la tombée de la nuit, nous sommes arrivés à Muskau
qui se trouvait à environ 50 km de la ferme où nous
étions restés pendant deux jours.
Le camp du centre a été logé dans une poterie
gigantesque. Notre groupe devait dormir au second
étage au-dessus des fours. C’était chaud et nous en
étions heureux. Nous avons ouvert autant de fenêtres
que nous avons pu et cassé quelques vitres afin de
pouvoir respirer. Nous avons remarqué qu’il y avait
des blocs en béton sur le sol avec des anneaux en
métal. En les retirant, nous avions une flamme que
nous pouvions utiliser pour cuire. C’était super.
Nous sommes restés là pendant deux jours et nous
étions contents de repartir. C’était très chaud et
nous étions tous déshydratés. La rumeur courait que
nous marchions en direction d’une voie ferrée et que
de là nous serions emmenés dans le sud de
l’Allemagne vers un autre stalag.
Alors que nous nous mettions en colonnes pour poursuivre
la marche, les rations allemandes sont arrivées.
Chaque homme a reçu un morceau de pain et un morceau
de boudin. C’était la première fois que nous
percevions de la nourriture allemande depuis le
début de la marche. Vers midi, nous avons entendu un
bruit continu d’explosions en série. Berlin se
trouvait à 50 ou 60 km au nord-est et ce devait être
un raid aérien massif car ça a continué pendant des
heures. On se rendait compte que ça sabrait le moral
des gardes allemands. Ils ne parlaient pas et
regardaient le sol. Avant la nuit tombée, nous
pouvions voir la fumée qui provenait du
bombardement.
Nous sommes arrivés dans une ville qui s’appelle
Graustein et nous devions y passer la nuit. Le temps
s’était réchauffé, la neige fondait et il pleuvait.
Ils ont eu du mal à trouver suffisamment de granges
pour nous abriter tous mais nous avons tous pu
trouver un abri dans une grange ou dans un
poulailler. Malheureusement, il n’y avait ni poulet
ni œuf.
A l’aube, nous sommes repartis, cette fois-ci en
direction de l’ouest. Vers midi, nous sommes arrivés
à la ville de Spremberg. Nous avons marché jusqu’à
une base de l’armée allemande et on nous a ordonné
de rompre les rangs et nous relaxer. La base était
bien fortifiée avec des pièces d’artillerie et de
nombreux blindés. Ils nous ont servi une sorte de
soupe à l’orge bien épaisse. Rien à voir avec la
soupe liquide que nous avions à Sagan. Ils nous ont
même donné de l’eau pour qu’on puisse se raser. Tout
le monde n’a pas eu de l’eau chaude mais les
colonels et le général y ont eu droit. Selon la
rumeur, le Général, le Colonel Spivey et quelques
autres seraient envoyés à Berlin et nous serions
embarqués dans un train pour le sud de l’Allemagne.
Nous avons dû marcher 5 km jusqu’à la gare de
marchandise afin d’embarquer dans le train. On nous
a fait monter dans des wagons français « Quarante et
huit » ainsi nommé car prévus pour 40 hommes et 8
chevaux. Conformément à la logique allemande,
cinquante hommes étaient chargés dans chaque wagon
et les portes étaient verrouillées de l’extérieur.
Voyager dans ces trains de marchandise était pire
que de marcher dans la neige. Il n’y avait pas assez
de place pour permettre à tout le monde de
s’assoir ou de s’allonger même en accrochant nos sac
aux murs et au plafond. Certains ont tenté
d’utiliser les couvertures afin d’en faire des
hamacs permettant ainsi à d’autre de s’assoir ou de
s’allonger en dessous. Ça a marché pendant un temps
mais un des hamacs s’est décroché. C’était très
drôle sauf pour celui qui se trouvait en dessous. Il
y avait deux fenêtres, une à chaque extrémité du
wagon. Nous avons essayé d’avoir quelqu’un sachant
lire l’allemand à chaque fenêtre afin qu’il puisse
lire les pancartes et déterminer où nous étions.
Nous avions une bassine qui servait d’urinoir et
qu’on se repassait au fur et à mesure des besoins.
Lorsqu’elle était à moitié pleine, nous la passions
à l’un des gars près de la fenêtre qui la vidait sur
la voie. C’était tout une technique et la première
fois, une bonne partie de l’urine s’est retrouvée
renvoyée dans le wagon. Il n’était pas possible
d’allonger ses jambes sans exaspérer quelqu’un.
Certaines personnes avaient un sens de l’humour à
toute épreuve et je crois que cela nous a aidé à
tenir mais les complaintes ont persisté pendant tous
le voyage.
Au bout de 24 heures environ, le train s’est arrêté
à Chemnitz. On nous a ouvert les portes et on nous a
glissé du pain et de la margarine. A environ 20
pieds (6 m) des wagons, il y avait quatre gardes
allemands avec des mitraillettes pointées vers les
portes. On ne nous a pas laissé descendre. L’arrêt a
duré environ 15 minutes et nous sommes repartis. Le
jour suivant, vers midi, nous nous sommes arrêtés
vers Regensburg et on nous a laissé descendre pour
aller aux toilettes. Il n’y avait pas de toilettes à
proprement parlé et chacun a trouvé un petit coin
pour se soulager pour la première fois depuis 48
heures. Les champs et les tranchées le long de la
voie étaient ponctuées d’hommes accroupis avec leur
manteaux tirés au-dessus de leurs têtes et
indifférents envers les nombreux civils allemands
qui les observaient depuis l’autre côté de la voie.
On nous a fait remonter dans les wagons au bout de
30 minutes et six heures plus tard, nous arrivions à
Moosburg. Nos wagons ont été mis sur une voie
adjacente et on nous forcé à y passer la nuit.
C’était comme si on nous avait oublié et nous nous
demandions ce que l’avenir allait nous amener.
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Chapitre 1:
Barksdale Field
Chapitre 2:
Angleterre
Chapitre 3:
Captivité
Chapitre 4:
Sagan
Chapitre 5:
La marche
Chapitre 6:
Moosburg
Chapitre 7:
Libération
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