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Les armées du monde
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Les mémoires d'Ossian Arthur Seipel
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Chapitre 6
Moosburg
Ils nous ont fait descendre des wagons vers
8 heures du matin et nous ont demandé de nous
mettre en rang afin de marcher en direction
du camp Stalag VII-A. C’était un camp très
grand et surpeuplé. Au fur et à mesure que
les camps au nord et à l’est étaient menacés
par l’avance soviétique, les prisonniers
étaient déplacés vers le sud dans la région
de Munich. Le camp était aussi un « melting
pot » extraordinaire avec des indiens
enturbannés et des écossais en kilt. Je
n’avais jamais vu un tel mélange d’êtres
humains d’origines aussi diverses. On nous a
fait marcher le long de la route principale
le long de laquelle se trouvaient des
bâtiments en briques sales avec peu de
fenêtres. Nous nous sommes arrêtés devant le
bâtiment qui semblait être le pire de tous ;
c’était le nôtre.
L’un des bâtiments avoisinant était occupé par des
hommes du rang indiens et australiens. Dans le
bâtiment derrière le nôtre se trouvaient des
prisonniers avec des pyjamas rayés. C’était
peut-être des civils polonais ou juifs. Jusque-là,
le camp était utilisé pour les hommes du rang mais
comme notre bâtiment était occupé par 2000
officiers, les allemands craignaient que nous
pourrions initier une révolte et les allemands ont
redoublé les mesures de sécurité autour de notre
bâtiment. Ils ont même construit deux miradors
supplémentaires avec des mitraillettes pointées sur
nous.
L’intérieur des baraquements était sale, sombre et
humide. Jusqu’à notre arrivée, le bâtiment avait été
occupé par des hommes du rang britannique qui
avaient été envoyé dans un camp de travail. Il y
avait des lits superposés sur trois niveaux. Les
matelas de pailles étaient usés et infestés de poux.
Ils nous ont donné de la DDT pour que nous
pulvérisions les matelas.
Les baraquements étaient constitués de deux grands
dortoirs séparés par une cuisine avec un poêle. De
chaque côté une pièce avec un robinet d’eau froide.
Nous avons essayé de nous organiser comme à Sagan
mais ça n’a rien donné. Etant donné que nous avions
tous reçu un colis de la Croix Rouge à notre
arrivée, nous avons décidé que chacun s’occuperait
de ses propres repas.
Vers la fin février, l’approvisionnement en colis de
la Croix Rouge a cessé. Les armées de l’air alliées avait mis à
mal le réseau ferroviaire allemand et les colis ne
pouvaient plus être acheminés. Des arrangements ont
été conclus pour permettre à des prisonniers de
guerre de conduire de gros camions blancs depuis la
frontière suisse jusqu’à Moosburg. Je ne me souviens
pas avoir vu quiconque se porter volontaire. Entre
temps, le haut commandement allemand a donné pour
instruction à leur armée de consommer les produits
régionaux. Nous nous trouvions dans une région
productrice de fromage et nous consommions donc du
fromage. Ça modifiait le goût du pain noir mais je
ne sais pas si c’était meilleur avec ou sans
fromage. D’une manière ou de l’autre, cela donnait
des flatulences.
Les britanniques avaient depuis longtemps utilisé
les sièges en bois des toilettes comme combustible
pour le poêle. Les problèmes d’alimentation ont
entrainé une épidémie de dysenterie. Le tuyau s’est
bouché et les toilettes ont débordé, recouvrant le
sol d’une bonne partie du baraquement.
Le commandant allemand qui s’est présenté pour
l’appel du matin a eu les bottes souillées en
passant devant le baraquement et il a ajourné
l’appel. Ils nous passaient un savon lorsque
quelqu’un manquait à l’appel. A deux reprises, les
personnes manquantes ou été retrouvées mortes dans
leur lit.
La première semaine d’avril, les kriegies qui se
trouvaient dans les camps nord et sud à Sagan sont
arrivés de Nuremberg où ils avaient séjourné après
leur départ de Sagan. Ils nous ont raconté comment
lors de la marche depuis Nuremberg, des gens les
avaient aidés et leurs avaient donnés de la nourriture et de l’eau
et ensuite leurs donnaient leurs noms dans l’espoir
qu’ils seraient mieux traités par l’armée
américaine.
Il n’y avait pas assez de places dans les
baraquements pour les nouveaux venus et les
allemands ont monté des tentes gigantesques pour les
abriter. J’ai eu l’occasion de visiter une de ces
tentes et j’aurais aimé échanger ma place mais ce
n’était pas permis. Je suppose que les tentes
n’étaient pas étanches; donc ils étaient mieux lotis
aussi longtemps qu’il ne pleuvait pas.
Les allemands nous ont autorisé à ouvrir des
ouvertures dans les grillages afin qu’on puisse se
déplacer librement d’un camp à l’autre. Un allemand
qui n’était pas au courant a abattu un des
australiens qui découpait un grillage. Ils ont
laissé son corps accroché au grillage pendant une
heure puis ont compris qu’on allait se soulever. Ils
ont alors retiré le corps et embarqué le garde.
Il faisait plus chaud maintenant et on passait le
plus de temps possible dehors ; Même pendant les
raids aériens et on encourageait les aviateurs. On
s’allongeait sur le dos et on regardait passer les
avions venant d’Italie et se dirigeant vers des
cibles plus au nord. Un jour, alors que nous
regardions passer une formation de B-24, on a vu un
avion très rapide passer à hauteur de la formation
et quatre B-24 ont été abattus. L’avion rapide n’a
pas ralenti et a disparu au loin. Personne n’avait
jamais vu un avion aussi rapide que celui-là et on a
pensé qu’il s’agissait d’une arme nouvelle
allemande. Les chasseurs nous distrayaient tous les
jours. Ils trouvaient le moyen de passer au-dessus
du camp en tournoyant pour nous faire comprendre
qu’ils savaient qu’on était là.
J’étais toujours aussi affamé et comme je ne pouvais
pas avoir de nourriture, j’essayais de fumer ma
pipe. Ma salive mélangée au tabac me rendait un peu
malade mais cela trompait la faim.
Le fait que nous puissions maintenant aller dans les
autres camps multipliait les possibilités de troc.
Les indiens considérants les vaches comme sacrées ne
mangeaient pas leurs boites de corned beef qu’ils
recevaient dans leurs colis. J’ai échangé ma veste
A-2 contre deux boites de corned beef, une livre de
lait en poudre et une cigarette anglaise qui avait
très bon goût.
Les choses allaient très mal pour les allemands. A
voir tous les avions alliés, il était évident que
nous avions le contrôle du ciel. Le bruit de
l’artillerie se rapprochait et ils seraient bientôt
là. Les allemands nous ont distribué de nombreux
tracts pour nous inviter à les joindre dans leur
guerre contre les russes. Ils argumentaient que de
toutes manières, nous devrions les combattre un jour
ou l’autre. Je ne crois pas qu’il y ait eu preneurs.
La nuit du 28 avril, la plupart des allemands sont
partis laissant derrière eux une force de résistance
symbolique. Nos officiers supérieurs ont suggéré que
nous serions plus en sécurité en restant dans le
camp en attendant les américains et à l’exception de
quelques-uns nous sommes restés. Dimanche 29 avril
au matin, nous avons entendu des coups de feu devant
l’entrée principale et tous le camp s’est réveillé
pour voir ce qui se passait. Quelques kriegies ont
été touchés par des balles perdues mais tout le monde
était heureux et courrait dans tous les sens. L’un
des gardes a entrepris de défendre le camp à lui
tout seul mais il a été éliminé immédiatement après
avoir tiré sur un tank. Peu après midi, le drapeau
américain était hissé sur le clocher de l’église de Moosburg et les tanks américains sont entrés dans le
camp.
Avant même que le premier tank arrive à hauteur de notre
baraquement, il s’est retrouvé submergé par les
prisonniers qui montaient dessus. Les GI ont essayé
de les faire descendre mais on aurait dit que
personne ne comprenait l’anglais. Les GI jetaient
des bonbons et des rations et ont progressé jusqu’à
la grille arrière qu’ils ont renversée.
Lorsque la grille arrière a été renversée, bon
nombre d’entre nous sommes partis à Moosburg. Je ne
me souviens plus de ce que j’ai fait. Je ne savais
que faire. J’étais libre et dans un état second. Je
me souviens avoir été dans plusieurs maisons et
découvert des stocks de colis de la croix rouge.
J’ai aussi trouvé un pistolet Luger et un Mauser
que j’ai immédiatement mis dans ma poche. De retour
au camp, des responsables militaires ont essayé de
faire une liste des prisonniers qui étaient là mais
sans succès. Ce soir-là, nous avons eu ce dont tous
les kriegies rêvaient : du vrai pain blanc. C’était
aussi bon que du gâteau.
On nous a fait faire la queue pour nous débarrasser
de nos poux. Ce n’était pas long. Il suffisait qu’on
ouvre notre chemise et qu’on dégrafe le pantalon et
on nous pulvérisait du DDT sous les habits. Je crois
que ça a marché car les poux ont vite disparu.
On est resté dans le camp un jour de plus et on a
mangé des rations militaires et du pain blanc et on
a eu du café chaud. Le Général Patton est venu et a
fait une tournée du camp. Lorsqu’il était dans notre
baraquement, il n’a pas dit grand-chose mais a
finalement demandé « Où est le baraquement des
officiers ? » Son aide lui a alors dit que c’était
le baraquement des officiers ; il a secoué sa tête,
a grimacé, s’est retourné et a crié « faites sortir
ces hommes de là, MAINTENANT !! ». A la tombée de la
nuit, des camions étaient alignés pour nous emmener
en dehors du camp. Je crois que les gens qui étaient
là n’oublieront jamais cet homme.
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Chapitre 1:
Barksdale Field
Chapitre 2:
Angleterre
Chapitre 3:
Captivité
Chapitre 4:
Sagan
Chapitre 5:
La marche
Chapitre 6:
Moosburg
Chapitre 7:
Libération
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