Un parachutiste américain atterrit dans un
platane en face de la gare d'Aubergenville-Elisabethville
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Mes grands-parents, aussi bien paternels que maternels, vivaient à Elisabethville, une petite
ville de la région parisienne dont le plan présente la particularité de
ressembler à une demie toile d'araignée avec au centre de ce demi-cercle une
place qui se nomme "Place de l'Etoile". Le plan de la ville est
constitué d'avenues en arcs de cercles concentriques et de boulevards qui
rayonnent depuis la place de l'Etoile. Elisabethville était entouré
d'objectifs militaires intéressants pour les armées de l'air alliées: les
péniches et les ponts de la Seine, la voie ferrée Paris-Le Havre,
la route nationale N13. Un endroit précis a été particulièrement bombardé:
le "saut de mouton" situé entre Elisabethville et Mantes la jolie: un petit
nœud ferroviaire aujourd'hui enjambé par l'autoroute A13.
J'ai eu la chance de survoler Elisabethville lors d'un
vol Madrid-Paris; Vu d'en haut, le spectacle de cette demi-toile d'araignée
est saisissant et on peut imaginer qu'Elisabethville ait servi de point de repère aux pilotes alliés qui
bombardaient le secteur.
Un beau jour, les habitants
d'Elisabethville-Aubergenville virent passer dans le ciel une escadrille
d'avions alliés en une formation parfaitement alignée. Ils se
dirigeaient en direction de Paris. Peu après, les même avions réapparurent
volant dans le plus grand désordre et à différentes altitudes en direction
de la Grande Bretagne. Deux avions étaient en feu. Puis soudain, un
parachute se détache de l'un des avions en perdition et semble devoir se
poser à proximité de la place de l'étoile. Plusieurs dizaines de français se
ruent en direction de la gare.
Lorsqu'ils arrivent sur les lieux, le parachutiste est
dans un platane devant la gare côté Aubergenville. Six soldats allemands
attendent qu'ils descendent. L'américain jette son poignard et son
revolver. Un allemand récupère les armes. L'américain semble effrayé et
hésite à descendre de l'arbre. Les français pensent d'abord qu'il a peur des
soldats allemands mais doivent bientôt se rendre à l'évidence: le militaire
allié a peur des civils français peut-être parce qu'il craignait d'être lynché par une foule qu'il croyait
à tort rendue violement américanophobe par les intenses bombardements alliés
qui avait touché la région. En réalité, les français n'avaient pas le
moindre ressentiment et étaient au contraire enthousiaste de voir leur
premier américain.
Un français court chercher un verre de vin dans un bar
et le tend à l'américain en disant avec un fort accent français "The people is with you".
(Le peuple est avec toi). Les allemands repoussent brutalement le français
et l'américain n'a pas pu boire sa gnôle. Il a toutefois capté le message,
esquisse un sourire et commence à se détendre. Les allemands quant à eux
sont de plus en plus nerveux et irrités par la foule grossissante de
badauds.
L'américain descend finalement de son arbre et les
allemands l'escorte en direction de la Komandantur. Les militaires traversent la voie ferrée puis la place de
l'Etoile.
Alors que les militaires s'apprêtent à quitter la place de
l'Etoile, mon grand-père se tient à l'intersection de deux boulevards face
aux soldats et fait un salut militaire pour remonter le moral de l'américain
et simultanément taquiner les soldats de la Wehrmacht. Aussi incroyable que
cela puisse paraître quelqu'un a pris une photo à ce moment précis! (voir
ci-dessous)
Plus loin, un français qui parlait parfaitement l'anglais
a voulu parler à l'américain. Les allemands lui ont fait comprendre que
c'était verboten mais curieusement l'ont laissé lui allumer une
cigarette.
Puis l'américain se sentant en sécurité a du se dire
qu'il n'avait pas besoin de la protection rapprochée de la Wehrmacht et a
décidé de marcher d'un pas rapide. Les allemands étaient moins grands et ont
du courir pour le suivre. Les civils français galopaient
joyeusement derrière les soldats allemands. A chaque croisement, l'américain
se retournait et demandait par un hochement de la tête la direction à
suivre. Les allemands aboyaient selon les circonstances "RECHTS!", "LINKS!"
ou "GERADE AUS!". ("A droite!", "A gauche!" ou "Tout droit!")
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résolution
Moins de trois mois de recherches historiques avec
plusieurs historiens ont permis d'identifier l'aviateur américain.
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