"Alors que nous nous trouvions près de la cible, la DCA
a blessé le copilote et a mis à mal toutes nos commandes sauf le gouvernail
de profondeur. L’avion est parti en piqué et lorsque je l’ai redressé à
l’aide des compensateurs, la DCA nous a touché à nouveau et a détruit le
moteur droit. Lorsque nous sommes tombés à 3000 pieds, nous avons sauté de
l’avion. J’ai quitté l’avion par la porte de la roue avant. Lorsque mon
parachute s’est ouvert, j’ai compté 5 parachutes et j’ai vu notre avion
s’écraser dans un bois et exploser.
J’ai atterris dans un verger de pommiers,
j’ai ramassé mon parachute et ma
veste et j’ai couru jusqu’à une route ou se tenait une française, silencieuse
devant sa bicyclette. Bien que fort confus, je suis parvenu à lui demandé en
français: "Est il possible, pour vous m'aider". Elle s’est alors mise à se
lamenter en français que j’étais un pauvre garçon et m’a demandé si j’étais
blessé. Quelque peu inquiet, je lui ai dit “non” et je lui ai demandé
“Cacher, cacher?"
Juste à ce moment-là, un ouvrier
agricole a couru vers nous en criant “Les allemands”. J’ai sauté dans un
roncier. Trois motos allemandes et une voiture sont passées devant l’endroit
où je me cachais et il me semble avoir reconnu les membres de mon équipage
dans la voiture. J’ai passé la nuit à dormir dans les ronces. Le jour
suivant (dimanche), il y avait beaucoup de trafic sur la route et j’ai
attendu jusqu’à 14.00 en espérant que mes sauveteurs de la veille
reviendraient. Ensuite, comme personne n’est venu, j’ai rampé à travers un
champ jusqu’à un bois et là j’ai trouvé un ruisseau que j’ai suivi sur 6
kilomètres en direction de Flexanville. J’étais près d’un village et j’ai vu
une paysanne (65 ans) et je me suis présenté à elle. Elle avait très peur
alors je suis parti rapidement et j’ai contourné la localité par un bois.
Pendant deux jours, j’ai erré dans les bois demandant de l’aide à des
civils, retournant en courant sur mes pas après qu’ils aient refusé. Cela
m’est arrivé une douzaine de fois. Me sentant désespéré, j’ai alors marché
sur la route. Dans les bois, j’ai approché une jeune femme, un homme
(Pierre) et un enfant. Ils m’ont emmené à leur maison et m’ont donné de la
nourriture et des vêtements. Il y avait un homme qui s’appelait Jacques
(cheveux foncés) à qui j’ai donné mon pistolet. Ensuite, ils ont entendu que
les allemands m’avaient vu. Je me suis donc caché dans les bois pendant une
demi-heure. Ensuite, le jeune homme et la jeune femme m’ont emmené à la
maison d’un docteur à Flexanville. J’ai passé la nuit dans sa maison. Le
lendemain matin, Pierre m’a emmené à travers champs jusqu’à une grande ferme
près de Orgerus à 3 km au SO de Flexanville. Mme Benoit et sa fille de 21
ans m’ont gardé pendant 3 jours, m’ont donné de nouveaux vêtements et m’ont
laissé rester chez elles. J’ai rencontré un homme qui était cinéaste et qui
se cachait.
Pierre m’a dit que tout mon
équipage avait été fait prisonnier et que l’un d’eux s’était cassé une jambe
en atterrissant.
Mme Benoit et sa fille m’ont
conduit à Orege dans la maison de Mme Benoit. Là un couple (Mr et Mme
Violette). (Mr Violette, ancien gouverneur d’Alger et ancien maire de Dreux)
se cachaient là. Je suis resté là pendant 4 jours.
Ensuite une voiture est venue avec
5 hommes à son bord. L’un d’eux est Jean Varron (né à Strasbourg) et un
autre un colonel belge dont le beau-frère est le capitaine anglais Maurice
Fitzgerald, Royal Hospital, Chelsea. Il y avait aussi Arthur, appelé le
chef. Jean Varron m’a dit qu’il me ferait quitter la France en sous-marin.
Le jour suivant, il est revenu en
voiture et m’a emmené à Paris en suivant des routes empruntées par des
convois allemands qui se dirigeaient vers le front. Ils m’ont emmené à un
appartement près de la Physical Educational Academy of Paris (Ndlr : en
anglais dans le rapport d’évasion ; Académie d’Education Physique de
Paris ???). Ils m’ont laissé dans cet appartement en compagnie d’un homme
dénommé Georges. Le deuxième jour, un grand suisse, partiellement chauve,
expert en sciences sociales et économiques est venu me voir.
Ils m’ont dit qu’ils étaient ce qui
restait de l’ancien QG du deuxième bureau. J’ai rencontré un vieux colonel
avec des cheveux blancs dont la femme a été emprisonnée en Allemagne.
Actuellement, ils sont en contact avec Alger mais cela prend beaucoup de
temps pour faire passer les messages. Ils travaillent avec de Gaulle mais
voudraient pouvoir communiquer directement avec les américains à Londres.
Ils voulaient que je fasse sortir
un code d’encryptage.
Je suis resté deux semaines dans
leur appartement. Entre temps, Jean était parti en Bretagne pour 10 jours.
Ensuite, il est revenu avec une voiture et m’a emmené à l’hôtel Lancaster, 7
rue de Berry (près des Champs Elysées). Là, on a emmené une jolie brune
enregistrée sous le nom de Mme de Nouault, en réalité la femme de Jean (Pat)
et nous avons embarqué beaucoup de bagages. Nous avons rencontré Richard (un
alsacien). Jean avait un laissez-passer en tant qu’agent de la Gestapo
l’autorisant à faire l’aller et retour entre Paris et Marseille. Il avait
également un passeport allemand donnant l’ordre à tout allemand de lui
apporter son aide.
Nous avons roulé jusqu’à Sens et
nous avons passé la nuit et la journée suivante dans un hôtel. Nous devions
attendre que la voiture soit réparée. Nous avons quitté Sens en fin
d’après-midi.
A St Florentin (SE de Sens), il y
avait des contrôles à l’entrée de la ville, en pleine ville et la sortie de
la ville. Sur la RN5 juste à l’est de St Florentin (qui se trouve à 25km NNE
de Auxerre), se trouve un pont ferroviaire. Sur la droite de la route
lorsqu’on se dirige vers l’est, il y a un bâtiment en béton rectangulaire de
trois étages avec des murs épais et d’une longueur de 25 yards (22m). Ce bâtiment
est entouré de gros câbles et couvert par un filet de camouflage. L’enceinte
est fortement gardée. Un train camouflé se trouvait dans l’enceinte au
moment de l’observation (Observation début juillet 1944).
Nous nous sommes rendus à Autrenne,
un petit village. Nous nous sommes arrêtés chez des amis pour dîner.
Ensuite, nous sommes partis à Dijon. A Dijon, il y avait plus de mouvements
de troupes que je n’en ai vus dans une aucune autre ville. Là nous nous
sommes rendus au garage militaire allemand pour faire réparer la voiture.
Ensuite, nous sommes partis à destination de Chalon sur Saône. Nous avons
dormi au Grand Hôtel (le commandant allemand de la ville résidait là). Le
jour suivant, le major allemand de la localité nous a placés dans un convoi
avec deux camions militaires et une voiture, et ainsi escorté, nous sommes
partis à Lyons. A Lyons, nous avons passés 2 jours dans une pension de
famille (Russes (fille nommée Xenia) faisant partie de l’organisation).
Ensuite, nous sommes partis en direction de Marseille. Importants contrôles
allemands tous les 10 miles entre Lyons et Marseille.
On m’a aussi demandé d’apporter une
valise contenant une radio dans les chambres d’hôtel où nous restions et je
restais assis très inquiets pendant que les français utilisaient la radio.
Cette radio, ce code d’encryptage et le fait de passer nos nuits dans des
hôtels allemands me tapaient sur le système et le paroxysme a été atteint
lorsque nous sommes arrivés à Avignon et que nous avons été pris dans
échange de coups de feu entre le maquis et les allemands. Je suis resté
caché sous la voiture pendant que les balles sifflaient. Lorsque les combats
ont cessé, mes amis sont retournés vers les SS et après de longues
discussions en allemand, nous avons été emmené devant le capitaine SS de la
ville. J’ai parlé en français avec lui pendant 10 minutes, lui expliquant
que j’étais un collaborateur et que je voyageais avec mes amis allemands et
que j’avais oublié mes papiers à Lyon dans une autre unité.
Nous sommes arrivés à Avignon vers
10.00 du soir. Nous sommes arrivés à Marseille tard dans la nuit et nous
sommes restés 3 jours dans un hôtel.
Là nous avons rencontré Bastien, un
algérien (ndlr: à l’époque le terme “algérien” désignait exclusivement les
français d’Algérie, le terme “pieds-noirs” est apparu dans les années 1950),
un gangster marseillais qui travaillait comme homme de main pour Jean. Le
plan d’évasion par sous-marin était tombé à l’eau.
(Fusils de 88 mm sur les hauteurs
camouflés dans des niches dans le granite au nord de Marseille. Vedettes
militaires dans le Vieux Port et de nombreux allemands cantonnés sur le Quai
de Vieux Port; le Commandant réside au Fort St Jean. Les officiers de hauts
rangs résident au Grand Hôtel. Personne ne peut se rendre au-delà du Quai de
la Tourette)
Le pont à Arles est encore ouvert
mais fortement gardé. Tous le long de la route de Salon vers Arles, les
vignes sont minées.
Nous avons repris la route en
direction de Montpellier, puis Narbonne, puis Perpignan. Perpignan est plein
de Gestapo. Deux jours à l’hôtel à Perpignan. Là nous avons rencontré
François (5 pieds 8 pouces, devenant chauve, cheveux bruns tirant sur le
blond, je suppose dans les 35 à 40 ans, petite moustache). A Perpignan, j’ai
en outre posé mes bottes d’aviateur devant deux officiers allemands alors
que nous faisions la queue pour remettre nos vêtements avant d’aller nager.
Je me suis baissé pour les ramasser et les allemands n’ont apparemment rien
remarqué. Ensuite, nous sommes partis pour Font Romeu où nous sommes restés
à Regina et où nous avons mangé au Casino Hôtel (Famille Brieuteux, des amis
des Jean (lui violoniste; elle, apparentée à la famille princière de
Monaco). Le jour suivant, Jean, Richard et François sont parti en Espagne et
sont revenus. Ensuite, Jean a emmené sa femme en Espagne et a pris une
lettre que je lui ai remis à l’attention du consul américain. Il m’a ramené
une lettre disant que je devais donner le code à un messager (Giou). Après
que Jean ait effectué quelques vérifications, j’ai remis le code à Giou.
Le 7 Août, Jean, Pat, Richard, Mr
Olivier et moi avons roulé jusqu’à la frontière espagnole. Nous avons déposé
Olivier à UR. De là, nous avons traversé Puigcerda à pied et rencontré un
homme (un agent de nos service secret). Ensuite, cet homme, Pat et moi avons
traversé le pont en passant devant des sentinelles allemandes à qui nous
avons fait le salut hitlérien et à qui l’homme a murmuré quelque chose.
Après avoir traversé le pont et après que nous nous trouvions hors de la vue
des sentinelles allemandes, cet homme a pris congé de nous. Pat et moi
avons poursuivi notre chemin et avons retrouvé Jean et Richard qui avaient
traversé la frontière à Bourg Madame. Ensuite, ils m’ont dit d’aller à un
hôtel et de me rendre à un colonel de la police espagnole. Ce que je fis.
J’ai ensuite vu un délégué français de la croix rouge. Je suis resté à
l’hôtel. (Le jour suivant, j’ai vu Jean et François à l’hôtel). Mr Abtaix
m’a été donné comme référence qui connait Jean en tant que HM. Le jour
suivant, Mr Forsythe est venu et m’a emmené à Lerida. Là, on m’a donné de
nouveaux vêtements et j’ai rencontré Lt Distoroughs, FO Champs et Campbell
et ensuite, nous sommes allés à Zaragoza et ensuite à Tuleda. Forsythe nous
a quittés. Après deux jours et demi, je suis reparti à Zaragoza et ensuite
Alhama ou le colonel Spillman m’attendait pour m’emmener à Madrid. J’ai
ensuite été interrogé par les services secrets américains (OSS) et je leur
ai raconté toute l’histoire. Ils m’ont dit que je devais rencontrer
quelqu’un de l’OSS à Londres.
J’ai ensuite rejoint Gibraltar le
14 Aout. J’ai quitté Gibraltar le 16 et je suis arrivé à Londres le 17 Août"
|