"Nous bombardions un
champ d’aviation lors nous avons été touché par la flak à l’avant de
l’avion. Le choc m’a mis complètement KO et a gravement blessé ou tué mon
copilote. Tous les contrôles étaient hors service et l’avion est parti en
piqué. Je suis revenu à moi et j’ai juste pu sortir par le hublot au-dessus
de moi. Ce devait être à 15000 pieds (4500m). J’ai atterri dans un bois à 5
ou 6 miles au NO de Bois des Puits (Seine Inférieure) juste au nord de
Formerie. Mon parachute était accroché à un arbre et j’ai dû l’abandonner.
J’ai jeté ma veste Mae. Ma jambe avait été touchée par la flak et je ne
pouvais pas marcher. J’ai rampé dans les bois. Je m’étais juste arrêté pour
mettre un garrot lorsque les allemands sont entrés dans le bois à ma
recherche. Ils ont tiré des coups de feu. Je me suis sauvé en rampant et
j’ai trouvé une bonne cachette où j’ai pu mettre un garrot sur ma jambe.
J’ai repéré un paysan qui travaillait dans un champ à la lisière du bois. Je
lui ai fait un signe et il m’a fait signe de retourner dans les bois. Il a
continué à travailler et quelques minutes plus tard, il est venu vers moi, a
mis un nouveau garrot et m’a mis dans une meilleure cachette et m’a dit
d’attendre.
Pendant que je l’attendais,
une femme qui pouvait lire et écrire l’anglais est venue. Nous avons échangé
des messages. Elle s’appelle Mme Suzanne Tréville, à Petit Ronchois,
Haudricourt par Aumale (Seine Inférieure). Elle a soigné ma jambe blessée et
m’a donné de la nourriture. Elle m’a dit de rester caché et m’a promis de
revenir avec un médecin. Les allemands poursuivaient leur recherche mais ont
fini par partir. Je commençais à m’impatienter à l’attendre et lorsque la
nuit est tombée, je suis parti vers le SE en direction de Paris. Je
sautillais tout en souffrant à travers champs. J’ai ensuite emprunté une
route et je suis passé devant deux soldats allemands assis au pied d’une
statue. Ils m’ont ignoré et j’ai continué jusqu’à 4.00 du matin.
Complètement à bout de force et dans l’impossibilité de trouver un abri, je
me suis allongé dans un champ. Il faisait si froid et j’étais tellement
mouillé que je ne pouvais pas dormir. A l’aube, j’ai repéré une ferme à
environ un mile de là et je m'y suis rendu en rampant. J’ai attendu caché
derrière un arbre dans la cour jusqu’à ce que le paysan sorte et je me suis
manifesté à lui (M. Dumont Arthanase, Haudricourt la Vitardiere (Seine
Inférieure)). Il m’a mis à l’abri dans une grange, a examiné ma jambe
blessée et m’a donné à manger.
Le 3ème jour, des allemands
sont venus à la ferme pour chercher de la nourriture. Cela a effrayé mon
hôte et le jour suivant, un jeune de la résistance, Robert Levasseur et le
chef local des FFI, un major connu sous le nom de George, m’ont emmené dans
une charrette tractée par un cheval jusqu’à la maison de George dans un petit village
avoisinant constitué de deux maisons à un carrefour. Là le Dr Mercier de
Formerie (Oise) a soigné ma jambe. J’ai ensuite été emmené à la maison de
Robert à Bois des Puits, Criquier. Le Dr Mercier m’a rendu visite tous les 3 ou
4 jours. Robert Levasseur et son père Ernest étaient tous les deux
lieutenants dans les FFI et étaient très actifs.
Mi-août, 60 hommes sont
partis en direction des localités voisines et ont noirci les panneaux
indicateurs. Pendant plusieurs jours, les allemands ont tourné en rond, les
gens refusant de les aider ou leur donnant de mauvaises directions. Plus
tard, des planches à clous ont été jetées sur les routes principales
empruntées par les véhicules allemands en retraite. Beaucoup ont été
immobilisés causant des embouteillages. Ils ont aussi abattu des arbres en
travers des grandes routes.
Lorsque les britanniques sont
arrivés le 31 aout, les FFI ont arrêté un collaborateur, un belge nommé X. X
avait vendu de la nourriture aux allemands et les avait invités à déjeuner. Il
avait 200 litres d’essence obtenus des allemands. Plusieurs filles qui
avaient été intimes ou simplement amies avec des allemands ont eu la tête
tondue.
Lorsque les britanniques sont
venus, ils m’ont stoppé et m’ont demandé si j’avais vu des allemands. Je
leur ai signalé des charrettes tirées par des chevaux qui venaient de
passer. Trois shermans sont partis à leur poursuite et ont arrêté les
allemands un mile plus loin.
J’ai de nouveau rencontré Mme
Suzanne Tréville. Elle m’a dit avoir aidé le Lt Abe A Helfgoot dont l’avion
a été abattu en février 1944, à rejoindre l’Espagne. Le 3 septembre, j’ai
retrouvé mon radio, Fred C. Moyer à Gaille Fontaine (Seine Inférieure) et de
là nous avons été évacuée par l’armée.
INFORMATION MILITAIRE:
La zone où je me trouvais est
maintenant occupée par l’armée britannique. J’ai vu des prisonniers
allemands et leur moral était très bas. Ils m’ont dit qu’ils manquaient de
sommeil et n’avaient pas assez à manger. Tous les allemands que j’ai vu en
avait assez de se battre. J’ai vu environ 200 allemands entrain de fuir
l’avance alliée le jour de l’arrivée des anglais dans le village et ils
paraissaient très fatigués. Certains n’avaient pas de fusil et leurs
équipements étaient médiocres. Ils n’avaient pas de camions mais quelques
chevaux et charrettes qu’ils avaient volés aux français.
Les français paraissaient
très heureux de voir les anglais arriver et pendant que j’étais là, ils se
livraient à des opérations de sabotage tous les jours.
Il y avait quelques familles
pro-allemandes près de là où je me trouvais mais les patriotes français s’en
sont occupés. Ils en ont exécutés quelques-uns, ont coupé les cheveux de
quelques femmes et les ont fait défiler dans la localité. Ils ont été dans
leurs maisons et ont pris la majeure partie de leurs possessions.
Je pense que la grande
majorité des français sont à 100% pour les alliés."
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